Aider son prochain, c’est semer la réussite

On doit aider son prochain, comme on sème : juste ce qu’il faut.

 

1- Aider, aimer c’est difficile

3 frères juifs s’installent en Amérique et discutent des cadeaux qu’ils ont pu envoyer à leur maman, au Maroc .

Le premier dit : « Je lui ai fait bâtir une grande maison. »

Le deuxième dit : « Je lui ai offert une Mercedes avec chauffeur. »

Le troisième sourit et dit : « Vous savez, maman aime la Bible, et elle ne voit plus très bien. Je lui ai envoyé un perroquet pour réciter toute la Thora . Ça a pris 12 ans à 20 jeunes rabbins pour lui enseigner ça ! »

Un peu plus tard, la mère envoie des lettres de remerciements.

« David, écrit-elle au premier fils, la maison que tu m’as fait bâtir est trop grande. Je dois l’entretenir. »

« Salomon, je suis trop vieille pour voyager. Je n’utilise jamais la Mercedes. Et le chauffeur s’ennuie! ».

« Moïse, tu me comprend. Ton poulet était délicieux ! ».

 

2- Aider son prochain dans la bible et dans la vie

Le Pentateuque nous demande d’être attentif à son prochain, comme l’aimer, ou l’aider. C’est aussi veiller ne pas mettre d’obstacle sur le chemin d’un aveugle, ainsi qu’au sens figuré. C’est même se forcer pour soulager l’âne trop chargé de son ennemi. Les rapports bienveillants à l’égard de notre prochain vont donc très loin. De nombreux commentaires d’illustres maîtres se déclinent et y viennent apporter des éclairages.

Mais au delà de l’étude des textes, il y a aussi l’application de ces « commandements » dans la vie de tous les jours … Et là ça devient plus difficile.

Pour de nombreuses personnes, la vie dans un monde idéal commencerait déjà par se rendre service les uns les autres. Par exemple, on « devrait », accompagner son voisin en voiture s’il se trouve sur notre route. Ou encore on devrait s’empresser de dépanner un vague collègue à la cantine s’il a oublié son porte monnaie. On pourrait acheter le pain pour une vieille dame, ou inviter une personne seule à partager notre repas familial.

L’objet du témoignage ci-après est d’approcher l’aide de son prochain dans des situations bien plus délicates, comme un soutien matériel plus conséquent, ou le soutien psychologique dans des situations très difficiles.

Il vise à répondre à la question « peut-on se désespérer de ne pas avoir suffisamment aidé ? », ou «doit-on en faire encore, et encore plus, voire toujours plus pour les autres» ?

Il vous est ici fait part d’une lettre réelle, adressée à une famille, dont la fille, tombée en grave dépression suite au suicide d’un être très cher, risque d’entraîner ses parents désemparés.

 

3- Aider les « pascales »

« Chers Pascal(e)s,

Au vu des évènements que vous vivez, je me suis interrogé sur la façon pour « vous aider », votre fille et vous. Mais comment ? Je ne voudrais pas être maladroit. Je voudrais vous être utile. Mais comment ? Je ne peux pas rester insensible à votre situation. Je suis embêté par le fait d’en vouloir faire peut être trop, ou pas assez. Est ce seule ma compassion vous suffirait ? Que faire ; vous parler, vous écouter ?

L’étude de l’hébreu est venu m’apporter une réponse. Je vous en fais part, en trois étapes.

1ière étape : il existe un rapport entre « aider » et « semer ».

« Aider » a pour racine «‘Ezer» עזר en hébreu ; ce mot est constitué par les 3 lettres successives « aïn= ע », « zaïn = ז » et « résch = ר ».

En lisant de droite à gauche, si on prend la première lettre « aïn » de la racine du mot « ‘Ezer » précédant, et qu’on la déplace à la fin du mot « ‘Ezer », on crée un nouveau mot, une nouvelle racine, composée successivement par les 3 lettres « zaïn », « résch », « aïn » : c’est la racine « zroa = זרע ». Cette racine est celle de l’infinitif « lizroa= לזרוע », qui veut dire « Semer ».

Certains auteurs mettent donc une analogie entre « aider » et « semer » ; il y aurait donc un rapport très étroit entre le fait « d’aider » et de « semer ». Bizarre, cela semble pourtant tellement différent …

2ime étape : aider trop ou pas assez ? Pour répondre, semez bien, et attendez le résultat …

« Aider son prochain », c’est difficile ? Oui quelque part : soit on en fait « trop » ou « pas assez ».

Comme on n’arrive pas à répondre à cette question, on va chercher une réponse dans l’analogie incongrue : « semer, est-ce facile ou difficile ? ».

Il y a en fait 10 règles de semis :

« Pour semer « correctement » une graine, il faut semer :

1) – des graines de bonne qualité, car elles s’altèrent avec le temps,

2) – à la bonne densité de semis, car soit elles s’étouffent entre-elles, soit c’est trop clair, la récolte est maigre,

3) – à la bonne saison (durée du jour, par rapport à celle de la nuit),

4) – à la bonne température,

5) – à la bonne profondeur, cela dépend de la taille de la graine,

6) – dans un sol travaillé, c’est à dire un sol retenant de l’eau, mais pas trop, dans un sol aéré pour que l’air puisse passer, le tout dans un savant mélange entre, sable, limon, argile, de la matière organique,

7) – arroser, mais pas trop, sinon la graine va pourrir,

8) – bien sûr, sans vers, ni rongeurs,

9) – ni champignons microscopiques,

10) – les engrais, un peu mais pas trop, bien sûr, azote, phosphore, potasse, et les autres, on va simplifier … et on ne va pas parler du pH … 

Effectivement, « semer », ça commence devenir un peu compliqué …

Aider ce qu’il faut, c’est une chance très probable de réussir son semis, sa récolte.

3ime étape : si c’est difficile de semer, c’est forcément difficile d’aider.

Aider son prochain ? Trop ou pas assez ? Aider son prochain, c’est … terriblement difficile … tout comme semer. De la même façon que l’on ne puisse pas pronostiquer à l’avance la réussite d’un semis, on ne saura jamais quelles seront les conséquences, la pertinence, les résultats de l’« aide» de son prochain.

Pour aider son prochain, répond-on d’abord vraiment à ses besoins ?

La réponse se trouve probablement ici : ce n’est pas parce que je vais arroser abondamment, mettre plein d’engrais et tasser avec force le sol, que mon semis va réussir. De la même façon, je n’aurai pas de récolte si je jette une graine au hasard sur un sol où je n’ai pas investi d’efforts de préparation. Mes prières où je crois que D.ieu va faire le reste après ne serviront pas.

Tout comme semer, la réussite de l’aide à son prochain n’est en fait qu’une alchimie de plusieurs facteurs. Le succès se situe au minimum dans la modération, entre le « trop » et pas « assez ». Et un petit détail nous échappe peut-être encore souvent : l’imprévisible « aide » de Dieu, ou pas.

Aider son prochain, c'est indisensable

La situation de votre fille, gravement dépressive, m’attriste au plus haut point, après la perte de son amie qui s’est suicidée dans des conditions atroces. Votre fille se sent maintenant coupable de n’avoir pas su aider son amie. Vous en culpabilisez presque autant. Si votre fille n’a pu sauver votre amie, bien qu’elle ait fait tout ce qu’elle ait pu, qu’elle n’en soit pas déprimée. Par ricochet, ne le soyez pas vous-même : elle a fait tout ce qu’elle a pu.

 

4- Le dernier petit joker : les larmes pour aider

Seul, « le juste dosage » de l’aide que l’on vous apporterait peut y répondre, et encore, cela n’est pas suffisant : « bé ezrat hachem » dit-on en hébreu (= « avec l’aide de Dieu »). C’est la petite notion fondamentale qui peut peut être tout changer.

Isaïe nous apprend au nom de D.ieu, qui pourrait avoir des réactions injustifiables ou in compréhensibles pour  les hommes :

« 55:8 Car mes pensées ne sont pas vos pensées, Et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Eternel.

55:9 Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, Autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, Et mes pensées sont au-dessus de vos pensées ».

On pourra alors toujours essayer le dernier joker, disponible pour la personne concernée :

« Même si au ciel, les portes de la prière sont fermées, celles des larmes ne le sont pas » (Talmud, traité Brakhot, page 32 b).

Pour finir, quant à l’homme-agriculteur-aidant-semeur, après avoir déployé tous ses efforts d’aide, il ne lui reste qu’à admettre l’issue finale, car « l’homme doit bénir D.ieu pour le mal comme il le bénit pour le bien » (Talmud, traité Brakhot, page 33 b).

Et là, c’est tout un travail sur soi, c’est le travail de l’acceptation de ce qui peut paraître, mais seulement paraître, comme la défaite d’une bataille.